La plus récente publicité de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC me laisse perplexe. Intitulée Pour vivre longtemps… en santé, la pub a été diffusée plusieurs fois la semaine dernière à la télévision.
D’un côté de l’écran, on voit un homme âgé, débordant de santé, qui profite de la vie. Et de l’autre, le même homme dépérit à l’hôpital sous les yeux attristés de sa femme. En fait, c’est le même comédien qui joue les deux rôles.
La différence entre les deux ? L’un a pris soin de sa santé et l’autre pas, apparemment. « À quoi ressembleront les 10 dernières années de votre vie ? » nous demande-t-on.
La pub s’adresse directement au baby-boomer de sexe masculin qui, selon un sondage mené par la Fondation, aurait davantage de mauvaises habitudes de vie que le reste de la population.
Mais la pub ne dit pas quoi changer, elle ne fait que montrer, de manière dramatique, la différence entre un septuagénaire qui pète le feu et un vieil homme malade. Pour avoir quelques conseils sur les saines habitudes de vie, il faut se rendre sur leur site web.
Je doute que plusieurs personnes aient pris la peine d’aller voir sur le site et de lire les conseils qui y sont donnés. Résultat ? On se retrouve avec un message moralisateur envoyé au baby-boomer : si tu ne fais pas attention à toi, tu vas passer les 10 dernières années de ta vie invalide et malade (avec, en sous-entendu : aux frais de l’État…).
Vaut mieux être riche et en santé…
Bien sûr, chacun voudrait être riche et en santé jusqu’à la fin de ses jours et mourir subitement dans son sommeil, très vieux et le sourire aux lèvres.
Mais est-ce bien réaliste ? Tout le monde connaît les moyens à prendre pour être en bonne santé : ne pas fumer, boire modérément, manger des fruits et des légumes, faire régulièrement de l’exercice et ne pas être trop stressé. Facile à dire. Pas toujours facile à faire…
La vie est ainsi faite que beaucoup de personnes traversent des moments difficiles. Perte d’emploi, divorce ou séparation, insécurité financière, problèmes de santé qui ne sont pas nécessairement dus au mode de vie : la liste pourrait être longue des petits et des gros tracas qui parsèment la vie.
Du côté positif (voire jovialiste) de la publicité, on nous montre un homme qui, manifestement, n’a pas ces problèmes.
Si vous êtes malade, c’est votre faute
Ce qui me turlupine dans ce message, c’est qu’il peut ouvrir la porte à la culpabilisation des futurs utilisateurs du système de santé. « Si vous êtes malade et invalide aujourd’hui, c’est votre faute ! Vous auriez dû suivre nos conseils. »
À l’heure où la privatisation gagne du terrain, ce concept m’apparaît dangereux. On a vu aux États-Unis des médecins qui ont refusé de traiter leurs patients fumeurs. Un jour, refusera-t-on de traiter, ou fera-t-on payer cher, les malades qui n’auront pas assez pris soin de leur santé aux yeux du médecin ?
Encore une fois ce sont les pauvres – ceux-là mêmes qui n’avaient pas les moyens de se payer une vie saine – qui vont écoper.
Je sais que je vais loin, mais je pose la question. Si vous avez un avis là-dessus, je vous invite à l’exprimer au bas de cette page.
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Vos remarques, vos expériences ou vos commentaires sont les bienvenus au bas de cette page.
Messages de forum
1. Mourir en santé : ah oui ?, 11 février 2013, 18:18, par Marjorie
Je ne trouve pas que vous allez loin... Comme souvent les messages sous entendus et les préjugés qui s’y rapportent servent à culpabiliser, faire porter la faute, trouver un bouc émissaire afin de diviser pour mieux régner... Franchement combien connaissons-nous de personnes qui sont touchées par ces maladies et qui avaient de saines habitudes de vie mais des conditions de travail pourries imposées par le système économique actuel ? Puis la cadence de vie, stress, pollution, les effets secondaires des médicaments, les OGM et autres cochonneries qui se retrouvent dans nos assiettes... Alors franchement l’expression "c’est l’hôpital qui se fout de la charité" prend tous son sens ! Puis je pense qu’il y a beaucoup de gens qui préféraient en finir avant de dépérir pendant plusieurs années pour finir par mourir dans un état pitoyable : est-ce que la droit à la vie n’est-il pas aussi le droit à la mort ? Mais ceci est un autre débat..
1. Mourir en santé : ah oui ?, 11 février 2013, 18:25, par Paul-Henri Frenière
Merci pour votre excellent commentaire.
2. Mourir en santé : ah oui ?, 15 février 2013, 04:53, par Nicole Jetté
Encore une fois on fait porter le poids des inégalités sociales aux individus !
Et si l’urgence faisait place à la prévention en santé…
Et si des logements sains et abordables remplaçaient les moisissures et les courants d’air…
Et si les gymns, les vacances, la bonne bouffe, la vie sociale et les sorties culturelles étaient accessibles à tous…
Et si nos jeunes réussissaient à s’éduquer et à se former comme citoyens dignes et responsables…
Et si l’empoisonnement collectif par les compagnies de tabac avait été dénoncé 25 ans plus tôt…
Et si celle de Monsanto cessait MAINTENANT…
Et si on célébrait nos vieux…
Et si on reconnaissait qu’on a besoin d’eux plutôt que de les considérer comme inutiles, improductifs et de les confiner dans des parcs à ragots…
Et si on cessait de nier les deuils, les pertes, les rides…
Et si on cessait de s’acharner contre la mort et d’imposer l’agonie comme un interminable calvaire…
Et si l’État portait un regard d’ensemble sur sa société plutôt que de prendre des décisions en silo selon la puissance des lobbies… on aurait peut-être alors une petite chance de vivre et vieillir un peu mieux dans la dignité et la santé !
Mourir « beaux et en santé » foutaise / mais permettre à tous de vivre mieux ça OUI… ET C’EST UNE RESPONSABILITÉ SOCIALE !
1. Mourir en santé : ah oui ?, 15 février 2013, 06:31, par Paul-Henri Frenière
Merci pour votre commentaire. En effet, il y a là matière à réflexion.